Maître Jacques Vergès, Docteur Patrick Barriot: Un tribunal d’assassins

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Le Président Slobodan Milosevic est mort dans la nuit du 10 au 11 mars 2006 dans le centre de détention de Scheveningen aux Pays-Bas. Il a travaillé jusqu’à l’épuisement de ses forces physiques pour que l’Histoire de l’ex-Yougoslavie ne soit pas écrite par le bureau du procureur du TPIY. Slobodan Milosevic ne demandait pour lui-même que deux choses. D’abord, le droit de voir sa famille. Ensuite, le droit de bénéficier d’un traitement médical conforme aux données actuelles de la science. Ces deux droits fondamentaux lui ont été refusés par des individus dont l’hypocrisie n’a d’égale que la bassesse d’âme. Les médecins ont pour mission de protéger la vie des patients qui leur sont confiés, conformément au serment d’Hippocrate : « Dans toute la mesure de mes forces et de mes connaissances, je conseillerai aux malades le régime de vie capable de les soulager et j’écarterai d’eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible. Jamais je ne remettrai du poison, même si on me le demande, et je ne conseillerai pas d’y recourir ». Malheureusement certains médecins utilisent leurs connaissances pour réduire au silence des prisonniers irréductibles.

Slobodan Milosevic souffrait d’une hypertension artérielle sévère et mal équilibrée, aggravée par ses conditions de détention. Cette hypertension artérielle, qui avait des répercussions cardiaques et cérébrales, justifiait un traitement lourd associant plusieurs médicaments. Au cours du deuxième semestre de l’année 2005, Slobodan Milosevic présenta des signes de souffrance cochléo-vestibulaires, en particulier des signes auditifs, devenant progressivement invalidants. Il s’agissait d’une atteinte de l’oreille interne d’origine vasculaire.

Les conditions de la détention de Slobodan Milosevic ont joué un rôle dans l’aggravation de sa pathologie vasculaire, en particulier le stress lié à l’isolement familial. A la suite de son enlèvement et de son incarcération à La Haye, durant près de 5 ans, Slobodan Milosevic n’a pas été autorisé à recevoir la visite des membres de sa famille. En 2005, il écrivit en français à monsieur Javier Solana, secrétaire général du Conseil de l’Union Européenne (UE) et Haut Représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la lettre suivante : « Monsieur Solana. Vous savez bien que je dirigeais mon pays et ses forces armées au moment où vous avez déclenché les frappes contre la Yougoslavie et vous n’ignorez pas qu’à présent je me trouve dans votre prison de Scheveningen. La différence fondamentale entre ma personne et les autres détenus qui m’entourent ne réside pas seulement dans le fait que je suis le seul chef d’Etat emprisonné ici mais également dans le fait que je suis la seule personne qui se voit privée de la possibilité de voir sa famille. Je vous décris ma situation car je ne suis pas sûr que vous soyez informé des conditions de ma détention et je ne peux imaginer qu’un homme digne de respect puisse se rendre responsable d’une telle vilenie. Les mesures de rétorsion à l’encontre de l’épouse et des enfants d’un adversaire sont indignes d’un homme d’honneur. Au regard des hautes fonctions qui furent les vôtres et qui sont également les vôtres aujourd’hui, je ne peux douter que vous prendrez les mesures nécessaires afin que les membres de ma famille puissent se rendre et séjourner librement aux Pays-Bas pour me rendre visite. Slobodan Miloševic. » A l’évidence ces mesures nécessaires n’ont jamais été prises.

Le stress lié à l’organisation de sa défense a également joué un rôle délétère. Vers la fin de l’année 2005, alors que son état de santé se dégradait, Slobodan Milosevic nous avait demandé de contacter un professeur de cardiologie français qui accepterait de l’examiner dans sa prison car il n’avait aucune confiance dans les médecins assignés d’office par l’autorité pénitentiaire. Madame le professeur Florence Leclercq, chef de service de cardiologie au CHU de Montpellier, accepta de se rendre à La Haye en compagnie du Dr. M. Shumilina (Institut de chirurgie cardio-vasculaire Bakoulev de Moscou) et du Pr. V. Andric (service d’ORL de hôpital VMA de Belgrade).

L’expertise médicale du 4 novembre 2005

Ces trois médecins spécialistes indépendants examinèrent, à sa demande, Slobodan Milosevic le 4 novembre 2005.
Le Pr. F. Leclercq confirma la présence de signes électrocardiographiques suspects et prescrivit des examens complémentaires afin de mieux évaluer la circulation coronaire. Peu après l’annonce du décès de Slobodan Milosevic, le Pr. F. Leclercq nous adressa un message précisant : « Je suis triste que les examens que nous avions demandés n’aient pas été réalisés ». En outre, le Pr. F. Leclercq avait insisté sur la nécessité d’une période de repos efficace : « Il est incontestable que le stress participe aux irrégularités de la pression artérielle et qu’une période de repos doit être prescrite ».

Le Dr. M. Shumilina et le Pr. V. Andric confirmèrent l’origine vasculaire des signes cochléo-vestibulaires invalidants et prescrirent également des examens complémentaires.
Le point crucial de cette expertise indépendante est que les trois spécialistes établirent un lien entre les signes cochléo-vestibulaires (en particulier la surdité de perception) et l’hypertension artérielle. Or ce lien fut vigoureusement nié par les médecins hollandais désignés par le TPIY.

La conclusion du rapport des trois médecins indépendants fut sans ambiguïté : « Compte tenu des résultats des examens médicaux consultés dans le dossier et réalisés lors de la visite du 4 novembre 2005, nous pouvons conclure que l’état de santé du patient n’est pas stabilisé et que des complications sont possibles. Son état nécessite la poursuite des explorations avec pour objectif de préciser l’origine des troubles présentés. Il est nécessaire de proposer au patient une période de repos, c’est-à-dire la cessation de toutes les activités physiques et de tous les efforts intellectuels pendant au moins 6 semaines». Le rapport de ce groupe d’experts soulevait donc des problèmes non résolus, à la fois d’ordre diagnostique et thérapeutique. Il soulignait également la gravité et l’urgence de la situation. Il fut cité à l’appui d’une demande de mise en liberté provisoire en vue d’une hospitalisation à l’Institut Bakoulev de Moscou, la Russie offrant toutes les garanties de sécurité pour le retour de Slobodan Milosevic à La Haye, une fois le traitement effectué.

Désaccords et controverses

Les conclusions du groupe d’experts indépendants furent contestées par les médecins hollandais assignés par l’autorité pénitentiaire. Contrairement à la conclusion commune des médecins examinateurs (V. Andric, F. Leclercq et M. Shumilina), le spécialiste recruté par le TPIY (P. Van Dijkman) conclut qu’il était peu probable que les anomalies vasculaires aient un lien direct avec les symptômes présentés et il estima qu’une période de repos n’aurait pas d’influence positive sur ces symptômes.

Le Dr. P. Van Dijkman déclara : « Je ne vois aucun argument pour modifier la procédure et, de mon point de vue, il n’y a pas d’élément d’ordre cardiologique pour modifier le déroulement actuel du procès (…). Les trois médecins étrangers qui ont examiné Mr. Milosevic recommandent qu’une période de repos de 6 semaines lui soit accordée immédiatement. Il s’agit d’une durée déterminée de façon arbitraire et à l’appui de laquelle, à mon avis, aucun argument solide n’est apporté ».

Le Dr. P. Van Dijkman s’opposa donc de façon péremptoire à l’avis d’un professeur de cardiologie. Il contesta à la fois la prescription d’examens complémentaires chargés de préciser le diagnostic et l’octroi d’une période de repos nécessaire au plan thérapeutique.

La deuxième controverse opposa le Dr. M. Shumilina au Dr. N. Aarts (neuroradiologue hollandais recruté par le TPIY) sur le lien entre les symptômes cochléo-vestibulaires observés et l’hypertension artérielle mal traitée. Pour le Dr. M. Shumilina et le Pr. V. Andric, l’origine vasculaire des troubles sensoriels auditifs ne faisait pas de doute et ils contestaient l’interprétation du médecin hollandais. Un document du TPIY daté du 14 décembre 2006 précise sans la moindre ambiguïté l’avis du neuro-radiologue hollandais : « Le Dr. N. Aarts, spécialiste agréé par le tribunal, estime que Mr. Milosevic ne présente aucune pathologie nécessitant un traitement ».

Ces « experts agréés et recrutés par le TPIY » n’ont pas accordé la moindre place au doute diagnostique ni aux règles de déontologie, que ce soit à l’égard d’un homme malade, dont ils avaient en charge la santé, ou à l’égard de confrères, dont l’avis aurait dû être pris en compte au vu de leur expérience et de leur compétence. En réalité les médecins hollandais ont été beaucoup plus influencés par les arguments du procureur que par ceux de leurs confrères.

Des accusations non fondées concernant la non observance du traitement

Au mois de juillet et au mois d’août 2004, le Dr. P. Van Dijkman et le Pr. R. Tavernier ont adressé des rapports au TPIY exprimant des doutes sur le fait que l’« Accusé » prenait bien son traitement. Il est important de noter qu’à la suite de cette accusation médicale, plusieurs mémorandums confidentiels ont été rédigés par les autorités du centre de détention. Ces mémorandums accréditaient la thèse des médecins et proposaient des mesures de rétorsion visant à empêcher Slobodan Milosevic d’assurer seul sa défense et à supprimer les facilités qui lui avaient été accordées pour préparer ses témoins.

Slobodan Milosevic n’a jamais absorbé de rifampicine dans le but d’aggraver son état de santé et il na pas absorbé le moindre antibiotique durant ses années de détention. Soulignons à nouveau que la pathologie cardiovasculaire dont souffrait Slobodan Milosevic ne constituait ni une contre-indication absolue ni même une contre-indication relative à la prise de cet antibiotique actif contre de nombreuses maladies bactériennes. La rifampicine, en cas de prises répétées, est seulement capable de diminuer (et non d’annuler) l’efficacité de certains traitements par un mécanisme d’induction enzymatique.

Si Slobodan Milosevic avait vraiment voulu diminuer l’efficacité de son traitement, il était plus facile de ne pas absorber le traitement que d’absorber à la fois son traitement antihypertenseur et un médicament non prescrit (la rifampicine), difficile à se procurer, susceptible d’être découvert lors d’une fouille (comprimés généralement faciles à reconnaître et colorés en rouge), qui colore les urines en rouge et qui peut être facilement décelé par les examens sanguins. Rappelons également que, contrairement à ce qui a été publié, Slobodan Milosevic ne pouvait recevoir de l’extérieur ni médicament ni alcool. Les médicaments étaient absorbés avec un verre d’eau, en présence d’un infirmier et sa chambre était régulièrement fouillée en son absence (ce qui est illégal).

L’Ordre du TPIY du 26 janvier 2006 revenait sur les accusations de 2004 : « L’accusé a volontairement manipulé le déroulement du procès et a volontairement manipulé son état de santé en ne prenant pas les médicaments qui lui avaient été prescrits et en prenant d’autres médicaments qui n’avaient pas été prescrits par des médecins désignés par le tribunal. L’Accusé a été trouvé en possession de quantités potentiellement mortelles de médicaments non prescrits à deux reprises en 2004 (à l’occasion d’une fouille de son bureau au mois d’août et à l’occasion d’une inspection de sa cellule dans la semaine du 29 novembre). Les rapports médicaux établis après la découverte du mois d’août font mention de traces de médicaments non prescrits dans le sang de l’Accusé ».

Quels sont donc ces médicaments « potentiellement mortels » que l’on a trouvés chez Slobodan Milosevic ? Durant l’été 2004, les gardiens du centre de détention ont trouvé dans son bureau une enveloppe marquée « Misha » contenant des comprimés de benzodiazépines. Il s’agissait d’une enveloppe appartenant à l’avocat Dragoslav Ogjanovic, que ce dernier avait oubliée dans le bureau de Slobodan Milosevic. En tout état de cause, ces médicaments étaient inoffensifs voire bénéfiques. Le 1er février 2006, 21 comprimés d’un médicament antihypertenseur, le Prilazid Plus, ont été découverts dans la cellule de Slobodan Milosevic. Cette découverte a fait l’objet d’un nouveau mémorandum le 2 février 2006. En fait, ces comprimés, trouvés avec une notice écrite en cyrillique, étaient périmés depuis le mois de mars 2003. Il s’agissait de comprimés que Slobodan Milosevic avait dans sa poche lors de son enlèvement au mois de juin 2001 et qui avaient été confisqués à son arrivée au centre de détention. Curieusement, ces comprimés sont réapparus lors de la fouille du 1er février 2006 pour étayer la thèse de la manipulation de son état de santé. Une fois de plus, il s’agissait de médicaments dont l’effet ne pouvait être que bénéfique pour un patient souffrant d’hypertension artérielle.

Le rapport médicolégal du Dr. W. Zwart Voorspuij, daté du 11 mars 2006, concerne la découverte du corps de Slobodan Milosevic dans la cellule E04 du centre de détention. Avant même de décrire la découverte du corps, le Dr. W. Zwart Voorspuij inscrivit dans son rapport : « La non observance du traitement et la prise de médicaments non prescrits ont été signalées. Un bilan sanguin réalisé au mois de janvier 2006 révélait la présence de rifampicine (à un taux thérapeutique) et de diazepam. Certains des médicaments prescrits n’ont pas été retrouvés dans le sang ou ont été retrouvés à des taux anormalement bas. ». On peut s’étonner qu’un médecin chargé de constater le décès d’un détenu qu’il ne connaît absolument pas, reprenne en tête de son rapport des accusations non fondées suggérées par le TPIY.

Les accusations non fondées des médecins à l’encontre de Slobodan Milosevic ont permis au bureau du procureur de réduire les droits de sa défense. Comme d’ordinaire les thèses du Procureur ont été reprises et largement diffusées par les médias

Les soupçons d’empoisonnement.

Slobodan Milosevic, dont l’état de santé ne cessait de se dégrader au début de l’année 2006, semblait convaincu que le tribunal voulait l’empoisonner. Les soupçons d’empoisonnement étaient fondés en grande partie sur le fait que la découverte de rifampicine dans le bilan sanguin du 12 janvier ne lui avait été signalée que deux mois plus tard, le 7 mars 2006. Or il savait pertinemment qu’il n’avait jamais absorbé volontairement ce produit. A plusieurs reprises il fut dans l’impossibilité d’assister aux audiences, souffrant de poussées hypertensives très mal tolérées.

Il semble peu probable que le TPIY ait voulu aggraver l’état de santé de Slobodan Milosevic en lui administrant de la rifampicine pour réduire les effets de son traitement anti-hypertenseur. En effet, la rifampicine aurait due être administrée régulièrement et à son insu. Il y a d’autres inducteurs enzymatiques plus faciles à manier et surtout, il y a des molécules bien plus efficaces et bien plus difficiles à dépister si l’on veut aggraver l’état cardiovasculaire d’un patient. Enfin, on comprend mal pourquoi le TPIY aurait demandé des recherches de médicaments non prescrits dans les bilans sanguins (en particulier celui du 12 janvier 2006), sachant que la rifampicine serait certainement découverte. En revanche le tribunal avait tout intérêt à « découvrir » de la rifampicine pour étayer la thèse de la non observance et de la manipulation du traitement par Slobodan Milosevic. Pour le TPIY, dans la mesure où Slobodan Milosevic aggravait volontairement son état de santé, il ne méritait pas la moindre mesure de clémence et il devenait licite de réduire les droits de sa défense.
Le 24 février 2006, le tribunal a ainsi rejeté la demande d’hospitalisation qui aurait permis à Slobodan Milosevic d’être correctement soigné à Moscou. Slobodan Milosevic a adressé une ultime demande, sous la forme d’une lettre manuscrite datée du 8 mars, au ministre russe des Affaires étrangères, en vue d’une hospitalisation d’urgence dans l’Institut de chirurgie cardio-vasculaire Bakoulev de Moscou. Il est mort trois jours plus tard dans la cellule E04, le samedi 11 mars 2006. L’autopsie réalisée par l’Institut de médecine légale hollandais a établi que Slobodan Milosevic était mort d’un infarctus du myocarde et qu’il n’y avait pas de trace de médicament toxique dans son sang. Il est clair que la mort subite de Slobodan Milosevic n’aurait jamais pu être mise sur le compte de l’évolution normale et prévisible de sa pathologie cardiovasculaire si cette dernière avait été correctement prise en charge. Il s’agit donc d’un « assassinat judiciaire » provoqué par des conditions de détention inhumaines et des soins médicaux approximatifs et inadaptés, « consentis » par des médecins aux ordres de l’autorité pénitentiaire.

Le suicide écarté sans l’ombre d’un doute

Contrairement à ce qui a pu être avancé hâtivement, Slobodan Milosevic ne s’est pas suicidé. D’une part, ceux qui le connaissaient bien savent à quel point il était résolu à se battre jusqu’à l’effondrement d’un TPIY qui échouait à apporter les preuves matérielles de sa culpabilité. Monsieur J. Bissett, ancien ambassadeur du Canada en Yougoslavie, qui témoignait fin février 2006 devant le TPIY, décrivit Slobodan Milosevic toujours acharné au travail et faisant preuve d’un sens de l’humour inaltéré. Le jour précédant sa mort, Slobodan Milosevic eut une conversation téléphonique avec Milorad Vucelic, du Parti socialiste serbe. Il lui déclara énergiquement : « Ne vous inquiétez pas. Ils ne me détruiront pas, ils ne me briseront pas. C’est moi qui les vaincrai ! ». De fait, le procureur G. Nice avait avoué quelques mois auparavant que le « projet de Grande Serbie », clef de voûte de l’accusation, ne reposait sur aucun fait établi. Il est donc stupide de prétendre qu’une prise de rifampicine ou de médicament non prescrit ait pu être responsable d’une mort subite assimilable à une forme de suicide. La thèse du suicide peut être écartée sans l’ombre d’un doute, d’autant que l’autopsie de Slobodan Milosevic n’a pas révélé la présence de la moindre molécule suspecte.

L’assassinat judiciaire médicalement assisté

Les médecins n’ont pas une obligation de résultats mais ils ont une obligation de moyens et ils doivent dispenser des soins conformes aux données actuelles de la science. Or, les médecins du TPIY ont fait preuve d’une grande carence diagnostique et thérapeutique, assimilable à une non assistance à personne en danger. Le seul diagnostic qu’ils ont évoqué, à savoir la manipulation de son traitement par Slobodan Milosevic, est celui qui fournissait un bon motif au procureur pour réduire les droits de la défense. Ils ne se sont pas comportés comme des praticiens responsables de la santé d’un « Patient » mais comme des fonctionnaires chargés de surveiller un « Accusé ». Les documents internes du TPIY montrent la parfaite collaboration entre les médecins hollandais, les procureurs et les responsables du centre de détention, dans le but accompli de réduire les droits de la défense. Ces médecins devraient être poursuivis pour non assistance à personne en danger dans la mesure où des spécialistes indépendants, dont la compétence et l’expérience ne pouvaient être mises en doute, avaient signalé la gravité de la situation et le risque de complications graves.

Les accusations sans fondement portées contre Slobodan Milosevic avaient pour but (et la plupart de ces buts ont été atteints) :

1. De lui interdire d’assurer lui-même sa défense et de lui assigner, contre sa volonté, des avocats chargés de le représenter.

2. De supprimer les facilités qui lui avaient été accordées pour préparer sa défense.

3. De réduire le temps alloué à l’organisation de sa défense et d’augmenter le rythme des audiences avec passage à quatre ou cinq audiences par semaine au lieu de trois, de telle façon que Slobodan Milosevic n’ait pas les moyens matériels et physiques de préparer ses témoins, la fatigue et le stress devenant insupportables.

4. De rejeter sa demande d’hospitalisation d’urgence à l’Institut Bakoulev. Les médecins désignés par le TPIY ont accusé Slobodan Milosevic de ne pas suivre les prescriptions médicales pour lui faire porter l’entière responsabilité de la dégradation de son état de santé. Ce faisant, ils se dispensaient de rechercher la véritable cause des signes alarmants présentés par Slobodan Milosevic et ils justifiaient le refus d’une hospitalisation d’urgence à Moscou, puisque selon eux il suffisait à Slobodan Milosevic de prendre correctement son traitement pour que tout rentre dans l’ordre. Ils ont ainsi privé Slobodan Milosevic d’une mesure de clémence pour raison de santé accordée à d’autres détenus.

Dès le mois d’août 2004, le Dr. P. Van Dijkman et le Pr. R. Tavernier signalaient au tribunal que Slobodan Milosevic ne prenait probablement pas ses médicaments. Or ils ne disposaient d’aucune preuve pour étayer une telle accusation qui a porté gravement préjudice à Slobodan Milosevic et qui relevait plus de la délation que des obligations de soins. Par la suite, les médecins désignés par le TPIY ont repris cette accusation et ont privilégié ce seul « diagnostic » pour expliquer la dégradation de l’état de santé de Slobodan Milosevic. L’analyse des documents internes du TPIY montre que les rapports des médecins précédaient et déclenchaient les mémorandums des autorités pénitentiaires et les charges des procureurs. Ces médecins portent une lourde responsabilité dans la mort de Slobodan Milosevic par infarctus du myocarde. Il s’agit indéniablement d’un assassinat judiciaire avec la complicité de médecins, autrement dit d’un assassinat judiciaire médicalement assisté.

Nous avons mis au défi Madame Carla Del Ponte et les médecins aux ordres du TPIY de démentir les faits que nous venons d’exposer et de nous poursuivre devant les tribunaux si ces faits étaient inexacts. Mais notre défi n’a pas été relevé. Rappelons enfin aux médecins du TPIY la dernière phrase du serment d’Hippocrate : « Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes. Si je le viole et que je me parjure, puis je avoir un sort contraire ! ».